Inès Léraud attaquée en justice pour avoir enquêté sur l’agroalimentaire breton: l’affaire devient politique
Inès Léraud a enquêté sur l’agroalimentaire en Bretagne, ses impacts sociaux et environnementaux, mais aussi sur les méthodes de certaines entreprises. L’une d’elles l’attaque en diffamation. Un collectif lance une pétition pour soutenir la journaliste et défendre la liberté d’informer.

C’est une affaire médiatico-juridico-politique aux relents d’algues vertes putréfiées. On y croise un scientifique algo-nitratosceptique, un chef d’entreprise condamné par la justice, des ouvriers en souffrance, des familles en deuil, des militants écologistes solidaires, un éditeur inquiet, et des élus régionaux blessés.
Ou comment la ténacité d’une jeune journaliste d’investigation peut remuer les tabous bretons,
jusqu’à faire réagir un président de Région écartelé entre ses
principes démocratiques et les pressions du monde agricole et
agroalimentaire.
Attaquée en diffamation
Inès Léraud est convoquée par la justice pour une audience qui devrait se tenir les 20 et 21 janvier 2021 au Tribunal de Grande Instance de Paris. Elle est attaquée en diffamation par un chef d’entreprise guingampais, Jean Chéritel, patron du groupe Chéritel Trégor Légumes, dont elle a épinglé les pratiques managériales et commerciales dans un article publié par Bastamag en mars 2019.
La journaliste indépendante y décrivait à travers plusieurs témoignages anonymes de syndicalistes et d’anciens salariés les conditions de travail et les rapports sociaux dans l’entreprise.
Elle y relatait aussi les démêlés de ce
grossiste en fruits et légumes avec la justice : en décembre 2018, le
groupe Chéritel a été condamné à 261 000 euros d’amende pour avoir fait
travailler illégalement des intérimaires bulgares, via une société
intermédiaire, jugement dont il a fait appel. L’entreprise a, depuis, en
novembre 2019, été également reconnue coupable par le Tribunal
Correctionnel de Saint-Brieuc, de « tromperie » sur l’origine d’un
produit, après avoir vendu des tomates étrangères estampillées « origine
France ».
La journaliste dénonce connivences et omerta
Mais l’affaire Chéritel n’est qu’un des dossiers sur lesquels Inès Léraud a enquêté.
La jeune femme n’est pas bretonne mais quand elle se lance dans une carrière de journaliste d’investigation, elle comprend très vite que la Bretagne est une terre où bien des lièvres sont à soulever. Elle s’installe dans les Côtes d’Armor en 2015 et, pendant trois ans, enquête sur l’industrie agroalimentaire bretonne pour différents médias et notamment France Culture (émission « Les pieds sur terre »).
Elle s’intéresse aux problèmes économiques et sociaux rencontrés par les agriculteurs et par les ouvriers de l’agroalimentaire, mais aussi aux conséquences environnementales de l’agriculture productiviste. Son enquête « Algues vertes, l’histoire interdite », éditée sous forme de BD, en 2019 par La Revue Dessinée-Delcourt, remporte un vif succès en Bretagne et bien au-delà de la région puisqu’elle a été vendue à 46 000 exemplaires.
Source : FRANCE3